Dans notre article sur la Directive Copyright, nous avons abordé la position initiale de Google face aux droits voisins. Ici, nous abordons l’évolution de la position du géant du Web américain face aux éditeurs de presse français.
Que sont les droits voisins ?
En avril 2019, la Commission européenne a adopté la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. En France, cette Directive Copyright a été transposée en juillet 2019 puis est entrée en vigueur en octobre 2019.
Cette directive européenne implique notamment la mise en place de droits voisins pour les plateformes en ligne diffusant des extraits de contenus. Cela se traduit par la négociation de licences entre les plateformes digitales et les éditeurs de presse français. En somme, la Directive Copyright souhaite moderniser le droit d’auteur tout en renforçant la position et en améliorant la rémunération des agences et éditeurs de presse français face aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Chronologie : Google et les droits voisins
Septembre 2019 : Google contourne les droits voisins
Le 25 septembre 2019, Google exprime son refus de se conformer à la loi du 24 juillet 2019 transposant la directive européenne sur le droit d’auteur dans le droit français. Le géant américain envoie donc un message clair, il ne souhaite pas accorder de droits voisins aux agences et éditeurs de presse français.
En France, Google décide donc ne plus afficher d’aperçu de contenu pour les éditeurs de presse européens; sauf si l’éditeur concerné formalise sa volonté. En outre, Google acte le fait de ne pas rémunérer les éditeurs de presse pour leurs contenus éditoriaux. Les éditeurs de presse français doivent donc accepter les conditions de la firme américaine ou consentir à ce que leurs publications ne soient plus référencées par le moteur de recherche; la deuxième option entraînant des conséquences sur la visibilité des publications. En pratique, sans négociation possible, la majorité des éditeurs de presse a consenti des licences sans rémunération à Google.
Novembre 2019 : L’Autorité de la concurrence est saisie
Différents syndicats représentant les éditeurs de presse ainsi que l’Agence France-Presse (AFP) saisissent l’Autorité de la concurrence en novembre 2019. Ces acteurs interpellent l’organisme indépendant en leur faisant part de la position de Google face à l’application des droits voisins, catégorisée comme un abus de position dominante et un abus de dépendance économique par les saisissants.
Suite à cette saisine, l’Autorité de la concurrence mène une instruction en entendant les éditeurs de presse, l’AFP, Google, d’autres moteurs de recherche ainsi que des acteurs institutionnels.
Avril 2020 : L’Autorité de la concurrence rend sa décision
C’est le 9 avril 2019 que l’Autorité de la concurrence rend sa décision publique. Celle-ci acte de la position dominante de Google sur le marché français de recherche généraliste (90% des parts de marché en 2019). Les pratiques dénoncées par les saisissants peuvent donc être qualifiées d’abus de position dominante.
Pour l’Autorité de la concurrence, Google impose des conditions de transaction inéquitables aux éditeurs de presse sans moyen de négociation. De plus, le géant américain contourne la loi sur les droits voisins qui vise initialement à redéfinir le partage de valeur entre les éditeurs de presse et les plateformes numériques. Enfin, en imposant une rémunération nulle à tous les éditeurs de presse, Google se place dans une position potentiellement discriminante. En effet, il n’y a aucune justification objective à ce que des acteurs économiques présentant des situations différentes soient traités de manière identique.
L’Autorité de la concurrence présente alors plusieurs injonctions à Google stipulant que la firme américaine doit négocier de bonne foi des droits voisins avec les éditeurs de presse, selon des critères transparents. Cela s’appliquant de façon rétroactive depuis l’entrée en vigueur des droits voisins. L’Autorité de la concurrence accorde un délai de 3 mois à Google.
Google saisit alors la Cour d’appel de Paris afin d’annuler la décision de l’Autorité de la concurrence.
Octobre 2020 : Google doit négocier avec la presse française
Le 8 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris rejette la demande d’annulation de Google concernant la décision de l’Autorité de la concurrence. La plateforme numérique devra donc négocier des droits voisins avec les éditeurs de presse français.
Suite à l’arrêt de la cour d’Appel, Google prend acte et exprime sa volonté de faire aboutir les discussions avec les éditeurs et agences de presse français.
Novembre 2020 : Un accord est signé entre Google et les médias français
Le 19 novembre 2020, Google annonce avoir signé des accords sur les droits voisins avec différents acteurs de la presse française pour une durée de trois ans. De plus, la société américaine affirme être en discussion avec d’autres acteurs de la presse française.