Vous vous demandez comment des start-ups de la biotech comme Moderna ou BioNtech ont pu proposer des solutions vaccinales particulièrement innovantes contre la Covid-19 et bien avant les géants de l’industrie pharmaceutique ? Quel est le lien entre la propriété intellectuelle et le développement de ces vaccins ? Dans cet article, nous vous expliquons le rôle qu’a joué la propriété intellectuelle dans la course au vaccin.
Comment fonctionne un brevet ?
Le brevet est un titre de propriété industrielle appartenant au domaine de la propriété intellectuelle. Un brevet confère à son titulaire l’exclusivité d’exploitation sur l’invention brevetée. Cette exclusivité est valable depuis la date de dépôt du brevet et pour un maximum de 20 ans. Par ailleurs, il faut distinguer le brevet du droit d’exploitation. En effet, l’exploitation de certaines inventions peut être soumise à une certification, à une autorisation de mise sur le marché, etc.
Il est reconnu qu’un brevet appartient à son inventeur, ou à ses inventeurs s’il a été créé conjointement. Cependant, si un inventeur salarié brevète une invention dans le cadre de son activité professionnelle, la propriété intellectuelle de cette invention appartient à l’entreprise dont il est salarié. De manière générale, l’inventeur salarié ne reçoit qu’une infime partie des retombées de son invention. Pour éviter d’éventuels litiges, la plupart des entreprises employant des chercheurs-salariés prévoient un cadre légal par lequel l’inventeur ne possède plus le droit d’exploitation sur ses inventions.
Propriété intellectuelle et Covid-19
Différence entre grandes entreprises et start-ups
Le fonctionnement du brevet engendre donc un monopole autour de la connaissance créée, en l’occurrence autour des différents vaccins inventés pour lutter contre la Covid-19. Ce statut monopolistique a pour but d’encourager financièrement les inventeurs à breveter et à commercialiser leurs innovations dans le but de pouvoir faire bénéficier la société de leurs découvertes.
Or, dans le cas du coronavirus, la recherche autour des vaccins a mis à jour une différence de taille entre les grands groupes pharmaceutiques et les start-ups. Novartis, Roche et Sanofi présentaient des budgets de recherche et développement allant de 6 à 12 milliards d’euros pour l’année 2019 et chacun avoisinait 100 000 salariés pour la même année. Face à ces géants, BioNtech et Moderna présentaient respectivement 96 et 442 millions d’euros de budget recherche et développement en 2019 ainsi que des effectifs allant de 830 à 1300 salariés. Des moyens humains et financiers bien différents.
Comment stimuler l’innovation ?
Et comme nous l’avons vu un peu plus haut, le cadre légal établi dans les grands groupes pharmaceutiques dépossède l’inventeur de son droit d’exploitation. Ainsi, le chercheur-salarié s’en trouve globalement moins stimulé. A l’inverse, dans des structures plus petites, les chercheurs-salariés vont être incités à prendre plus de risques. Dans le cas de Moderna et BioNtech, les brevets appartiennent bien aux entreprises mais salariés et dirigeants sont actionnaires de celles-ci, donc intéressés indirectement par ces brevets. Et c’est grâce à ces stimulations supplémentaires que les équipes de recherche et développement de Moderna et BioNtech ont mis au point des solutions vaccinales innovantes en un temps record, le fameux vaccin à ARN Messager.
Aux brevets s’ajoutent également les connaissances tacites nécessaires à l’industrialisation des inventions. Ces connaissances sont détenues par l’ensemble des salariés des entreprises, même si leurs noms n’apparaissent pas forcément sur les brevets déposés. En étant actionnaires de leur entreprise, ces salariés sont tout de même rétribués pour leur travail et le succès des brevets concernés.
Grâce à la comparaison entre le fonctionnement des géants de l’industrie pharmaceutique et celui des start-ups du même secteur, nous pouvons tirer plusieurs conclusions. D’une part, le statut de salarié-actionnaire offre à un inventeur la possibilité de conserver indirectement la propriété intellectuelle sur son brevet. De plus, ce statut va inciter les salariés chercheurs à prendre des risques pour pousser toujours plus loin l’innovation. Enfin, il semblerait que l’expropriation des chercheurs-salariés de leurs connaissances par les grandes entreprises nuise à l’innovation de manière générale. Possiblement aurions-nous pu accélérer la recherche autour des vaccins contre la Covid-19 si les chercheurs-salariés des géants de l’industrie pharmaceutique avaient été incités à prendre le même niveau de risques que ceux de BioNtech ou Moderna.